Au centre commercial,pas de cliente!

Cela ne faisait que peu de temps que Nina était arrivée à New York. Elle avait passé le plus clair de sa vie à Miami et elle devait bien se l'avouer, le soleil Floridien lui manquait beaucoup. Mais elle aimait l'activité de New York qu'elle ne quitterait finalement pour rien au monde.
Elle termina donc ses études rapidement et passa plusieurs entretient dans le but d'être vendeuse de prêt à porter. Elle fut d'abord engagée dans des petites boutiques sans grande envergure mais elle aspirait à bien plus que ça... Les boutiques de luxe lui faisaient de l'œil et elle rêvait très clairement d'en faire son terrain de jeu.

Voilà deux mois, elle tenta sa chance et passa un entretien dans l'une des boutiques les plus huppées de la galerie commerciale. Elle ne croyait réellement pas qu'elle serait prise et pourtant ... On la fit tout de même attendre trois jours - ce qui lui laissa penser que tout était tombé à l'eau - avant qu'elle ait enfin une réponse et, à son plus grand plaisir, celle-ci était positive. Nina était au bord de l'apothéose ; son rêve allait bientôt se réaliser...

Étant enfin dans un domaine et dans un magasin lui plaisant vraiment, elle fit de son mieux ; elle apprit vite et bien. Et aujourd'hui, on la laisse se débrouiller à peu près seule dans le magasin. Oui "à peu près" car une de ses supérieure a toujours un œil sur elle. Sait-on jamais ! Elle a beau ne plus être une novice, les premiers mois de travail sont toujours une période de méfiance de la part des employeurs.
Ce jour-là donc, elle avait eu une matinée assez calme, peu de clientes étaient venues. Mais voilà plus de quinze minutes qu'elle était au téléphone avec une femme disant être dans l'impossibilité de se déplacer. Elle voulait à tout prix un tailleur pour aller à une réception importante.
Nina avait du mal à concevoir qu'elle puisse se rendre à une réception mais pas au magasin mais bien entendu, elle ne dit rien à propos de cela. Le client est roi n'est-ce pas ?
Le téléphone à l'oreille, elle alla donc vers des tailleurs en tout genre, les décrivant à la cliente. Il fallu un bon moment avant que cette dernière n'avoue que le thème de la soirée était "Black & White". Autrement dit, ces couleurs étaient obligatoires... Nina se dirigea donc vers le rayon portant ces couleurs ; elle allait décrire un tailleurs à la cliente quand on lui sauta presque dessus pour prendre le tailleur qu'elle allait proposer.
La jeune femme écarquilla les yeux et dit à sa cliente :

« Excusez moi madame McNiels, un petit contre temps, je suis de nouveau à vous tout de suite. »

Elle regarda la brunette qui tenait fermement le tailleur et lui dit à mi-voix :

« Puis-je savoir à quoi vous jouez ? »

Son ton n'était pas sec ni dur mais on voyait qu'elle voulait comprendre cette attitude étonnante...

Nina fut étonnée de la réaction de la jeune femme, se cramponner ainsi à un simple vêtement était absurde. Surtout qu'il y en avait d'autres en stock. Oui bon ça, la cliente n'était pas obligée de le savoir mais tout de même, elle ne pensait pas qu'il n'avait qu'un exemplaire par taille de chaque modèle ? Si ? Allons bon !
La jeune brune se rappelait pas déjà avoir vu chose pareille. Alors non c'est certain, sa carrière en tant que vendeuse ne tient pas en un livre mais en une page mais même en tant que cliente, elle n'avait jamais vu pareil acharnement ou peut-être en période de soldes mais ça, c'est autre chose. Là ... deux clientes dans le magasin et trois vendeuse et elle saute tout de même sur ce pauvre tailleur !
Nina eut du mal à faire passer sa surprise et son étonnement, elle dû même secouer la tête pour recouvrer un semblant de normalité. Parlant toujours à mi-voix afin d'éviter que Mme McNiels, au bout du fil, n'entende la conversation, Nina répondit en tentant de ne pas froncer les sourcils :

« Je n'ai absolument rien contre le fait que vous achetiez ce tailleur mademoiselle mais il n'est pas nécessaire de presque me l'arracher des mains. Nous en avons d'autres en stock et puis ... »

Elle réfléchit un moment, cherchant la meilleure façon de tourner cette phrase mais elle ne trouva finalement rien de mieux que :

« ... Avant de passer à la caisse, vous devriez peut-être passer par les cabines d'essayages. Ce modèle taille petit et j'ai peur que vous ayez choisit quelque chose de trop ... étriqué ! »

Il n'avait rien de méchant des ces propos mais la façon de dire n'était peut-être pas la meilleure, c'était certain ! Enfin, elle verrait bien les réactions à présent, il était trop tard pour revenir en arrière. La jeune femme jeta tout de même un rapide coup d'oeil à la taille prise par la demoiselle. Un 36. Pas de quoi en faire un fromage, Mme McNiels ne rentrerait jamais dans une taille comme celle-ci, il lui faudrait au moins un 42 voire un 44. Nina ne voulait ce tailleur que pour le décrire et pas pour le vendre aussitôt. Oui, elle avait vraiment du mal avec la réaction de celle lui faisant face. Maintenant, peut-être qu'elle réagirait encore plus mal avec ce qu'elle venait de dire. Aussi se pressa-t-elle d'ajouter presque en murmurant :

« De toute façon, ma cliente ne rentrerait pas dans cette taille. »

La jeune vendeuse écarquilla de grands yeux en voyant la jeune femme rire aux éclats. Elle avait imaginé nombre de réactions mais certainement pas celle-là. Pourquoi rire ainsi alors qu'elle avait presque critiqué sa taille ? Même si, en experte, elle s'était judicieusement rattrapée. A croire qu'elle était bien plus douée qu'elle ne le pensait en fait ! Peut-être devrait-elle se reconvertir en menteuse professionnelle, elle semblait sur la bonne voie après tout. D'abord elle mentait à ses parents les trois-quart du temps et ils n'y voyaient que du feu. Ensuite, elle avait réussi à faire croire à son petit ami que l'autre jeune homme avec qui elle avait passé une nuit n'était que son cousin et maintenant, elle faisait passer ses petites sautes d'humeur pour des réalités. Même si au fond, il était vrai que ce modèle taillait petit de par les coutures à la taille. Enfin, visiblement, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Et à ce rythme là, elle pensa même à rappeler son cousin fictif. Si les mensonges marchaient si bien, autant en profiter... Non ?
Aux paroles de la demoiselle, Nina haussa un sourcil et si son rôle de vendeuse ne lui tenait pas à cœur, elle aurait sans doute répondu quelque chose du genre : « Non !? Sans blague !? ». Mais elle s'abstint. Le cynisme et l'ironie étaient loin d'être commerçant. Elle se contenta donc de sourire puis répondit :

« Je vous le conseille effectivement. Je pense d'ailleurs que vous pourriez emporter un 38 dans la foulée, c'est plus sûr. »

Au bout du fil, le téléphone était posé sur son épaule, elle entendit sa cliente crier, demander s'il y avait toujours quelqu'un. Dans un murmure, elle dit donc à la demoiselle :

« Allez aux cabines, je vous rejoins de suite... »

Elle lui fit signe de filer puis reprit madame McNiels au combiné.

« Oui Madame McNiels, excusez-moi, on avait besoin de moi au magasin, je suis tout à vous désormais ! »

Elle prit du temps avec elle, lui détailla l'ensemble du tailleur, les tailles disponibles, le prix et tout ce qui s'en suit. La cliente lui demanda de lui mettre deux tailles de côté mais vu son optimisme - un 38 et un 40 - Nina préféra en mettre quatre de côté, ajoutant les 42 et 44 à la liste de réserve...

Rapidement, elle raccrocha et se dirigea vers les cabines. Lorsqu'elle y fut, elle héla :

« Mademoiselle ? Alors ce tailleur ? »

Comme elle ne savait pas dans quelle cabine elle se trouvait, elle attendit un peu d'avoir sa réponse...